Négociations conventionnelles : le bout du tunnel  ?

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Information dentaire

Dernières propositions et réactions des syndicats.

Les deux séances de négociations des 5 et 6 avril derniers ont permis quelques avancées, peut-être décisives, par rapport aux dernières propositions de la CNAM du 16 février (lire ID n°7/8). L’évolution majeure tient dans le rééquilibrage entre les paniers « reste à charge modéré » et « à tarifs libres ». La CNAM propose désormais de répartir dans chacun des trois paniers environ un tiers du montant de l’activité en honoraires (lire les documents joints). Le panier RAC 0 ne bouge pas : il représentera toujours 46 % de l’activité pour 35 % des honoraires. Les actes contenus dans le panier « reste à charge modéré » sont réduits, passant de 41 % de l’activité pour 49 % des honoraires à respectivement 25 % et 35 % au profit du panier « à tarifs libres » qui passe de 13 % de l’activité et 16 % des honoraires à 29 % et 31 % des honoraires.

Sont donc notamment déplacés dans le panier « à tarifs libres » : les inlays/onlays céramiques (les inlays/onlays composites restent dans le panier « modéré »), les couronnes céramo-céramiques quelle que soit la localisation, les couronnes métal précieux et semi-précieux, les couronnes céramo-métalliques sur molaires, les inlays-cores et dents provisoires liés aux couronnes présentes dans ce panier, toutes les prothèses implanto-portées qui étaient en RAC 0 ou encore tous les actes NPC. La Sécurité sociale a également revu toute une série de plafonds, désormais moins contraignants, comme sur l’inlay-onlay composite qui passe de 330 € à 350 €, sur la couronne monolithique zircone de 420 € à 440 € ou la CCM 2e prémolaire (panier modéré) de 520 € à 550 €. Au final, s’agissant des plafonds, sur 5 ans, et à pratiques tarifaires constantes pour les actes à RAC maîtrisé et à tarifs libres, le « manque à gagner » serait de 448 millions d’euros (M€) au lieu des 562 M€ prévus dans les propositions du 16 février.

En revanche, le montant global des revalorisations sur les soins a globalement baissé de 40 M€, passant de 692 M€ à 652 M€. Certains actes sont revalorisés comme l’avulsion de dents permanentes (40 M€ au lieu de 6), d’autres sont ajustés à la baisse comme les actes d’endodontie (+85 M€ au lieu de 110 M€) ou les scellements de sillons de 3 à 8 dents (3,7 M€ au lieu de 4,3 M€). Le gain final net pour la profession est estimé à 240 M€ sur 5 ans (2019-2023).

Les propositions du 16 février sur la prévention sont peu modifiées :

– mise en place d’un nouvel EBD pour les enfants de 3 ans (avec évaluation du risque carieux et bilan des apports fluorés) ;

– coiffage pulpaire 60 € ;

– possibilité de réaliser une consultation d’urgence de 8 heures à 20 heures, à hauteur de 23 € ;

– prise en charge de l’application biannuelle de vernis fluorés pour les enfants de moins de 6 ans à fort risque carieux (25 €) ;

– création d’un supplément pour les soins chirurgicaux de 20€ par acte pour patients en ALD sous anticoagulants ;

– prise en charge des patients diabétiques avec bilan parodontal à 50 € contre 40 € dans l’avenant 4 et assainissement par sextant à 80 € (vs 70 €) ;

– lancement d’une expérimentation de prise en charge d’un forfait de prévention comprenant plusieurs séances avec évaluation du risque carieux, radiographies rétrocoronaires, nettoyages prophylactiques, scellements de sillons, détartrage, éducation à la santé bucco-dentaire et évaluation des acquis.

Enfin, la Sécurité sociale a proposé une clause d’indexation des plafonds et des clauses de revoyure qui faisait défaut jusque-là. La révision annuelle des tarifs des plafonds pourra se faire sur la base de l’évolution des charges les plus liées à l’activité dentaire (frais de personnel, achats, loyers, locations…), mais aussi des données des déclarations de l’administration fiscale dans le cadre des BNC. Quant à la clause de revoyure annuelle, son objectif est de suivre chaque année l’effet des mesures de la convention. Pour cela, un observatoire sera créé. La négociation d’un nouvel avenant est prévue en cas d’écarts de plus ou moins 10 points en 2021 et 2022 des résultats attendus et de plus ou moins 5 points à partir de 2023.

Ces nouvelles propositions sont-elles en mesure d’emporter la signature des syndicats ?

Les trois syndicats vont prochainement consulter leurs adhérents et/ou leurs bureaux et conseils d’administration pour se positionner avant la prochaine séance de négociations prévue le 4 mai. Quoi qu’il en soit, le directeur général de la CNAM leur a « mis la pression » : sans signature d’une convention, ce n’est pas le règlement arbitral, devenu caduc, qui entrerait en vigueur, mais des tarifs pris par décret ministériel. Ils s’appliqueraient aux actes à tarifs opposables comme libres et concerneraient tous les praticiens.

Les réactions des syndicats

FSDL

« L’argent ou la liberté »
« Avec ce projet de convention, nous perdons notre liberté thérapeutique, dénonce Patrick Solera, président de la FSDL.
Puisque nous serons contraints de présenter au patient une solution dans le RAC 0 en plus de la solution thérapeutique que nous estimons être la meilleure, c’est le patient qui décidera in fine, et sur une simple base tarifaire, ce qu’il aura dans la bouche. Ce n’est pas admissible ! Cela modifie profondément le rapport entre praticiens et patients. Nous ne voulons pas abdiquer notre liberté thérapeutique, notre éthique, contre de l’argent,
fut-ce même un montant non négligeable comme le propose l’assurance maladie. Philosophiquement, le RAC 0, c’est décider d’aller vers le tout prothèse gratuite, or la prothèse est un échec thérapeutique. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour les patients. Quant à la menace, si nous ne signons pas, de nous retrouver la première
profession de santé administrée comme les taxis, j’attends de voir. Si nous ne sommes plus conventionnés, nous ne serons plus présents avec les URPS au sein des ARS. Cela veut donc dire que nous sortons de toutes les politiques locales de prévention, de lutte contre les déserts médicaux ou de prise en charge des patients handicapés.
Est-ce vraiment ce que le gouvernement souhaite ? Si la profession ne signe pas cette convention, il n’y aura pas de RAC 0, puisqu’il ne figure pas dans le règlement arbitral. Le gouvernement pourra toujours tenter d’en imposer un par décret, mais je ne suis pas certain que cela tienne la route juridiquement. Cela dit, nous irons jusqu’au bout de la négociation, même s’il y a peu d’espoir que les choses changent. »

CNSD

« Des éléments positifs »
« Nous avons réuni le 12 avril un conseil d’administration extraordinaire qui nous a donné mandat pour poursuivre
les négociations. Mais croyez-moi, les débats ont été vifs, il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour ou contre une signature, selon Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD. Avec le rééquilibrage proposé par l’assurance maladie entre les paniers de soins, nous ne sommes pas loin de l’architecture finale de la convention. La profession obtient 1,1 milliard d’euros, du jamais vu. Il nous reste un peu de temps et une séance de négociations le 4 mai pour obtenir quelques ajustements sur les plafonds et pour affiner les mécanismes de la clause de revoyure et de l’indexation. Nous n’avons pas souhaité le RAC 0, il nous est imposé. C’est une difficulté. Les praticiens seront dans l’obligation de proposer le RAC 0 donc il y aura certainement un effet d’aubaine, vers le tout gratuit. C’est un point sur lequel nous devons être vigilants. Il y aura aussi, sûrement, un effet report sur les soins. Il est probable que beaucoup de patients attendent la mise en place du RAC 0 en 2022 pour entamer leurs soins. Mais je ne crois pas que tous les patients aillent forcément vers ce panier. S’il n’y a pas de convention, les tarifs seront administrés directement par décret, c’est une vraie menace. Et pour tout le monde, puisque sans convention il n’est pas possible de se déconventionner. Qu’on s’entende, ce n’est pas cette perspective qui nous contraint à signer. Compte tenu du contexte actuel et des moyens alloués, la convention apporte des éléments positifs objectifs à notre exercice : de vraies revalorisations de parfois plus de 50 % sur les soins et des avancées sur la prévention. »

UD

« Si on perd la main, il n’y aura pas de retour en arrière »
« La négociation n’est pas totalement bouclée. Les grands équilibres ne bougeront plus, mais nous devons encore clarifier certains points techniques, notamment sur les méthodes de calcul de la clause de revoyure et de l’indexation, estime Philippe Denoyelle, président de l’Union Dentaire. Ce n’est certes pas la convention miracle dont tout le monde rêve, mais le 1,1 milliard d’euros mis sur la table est loin d’être négligeable pour la profession.
Il faut savoir être réaliste. Évidemment, avec le RAC 0, il y a le risque d’un effet d’aubaine pour les patients, nous partons dans l’inconnu. Faudra-t-il limiter le recours aux prothèses incluses dans ce panier ?

Je ne sais pas. Ça n’a jamais été évoqué. Les complémentaires qui financent le RAC 0 devront se positionner. Tout comme sur les remboursements des actes inclus dans le panier à tarifs libres. La prochaine séance de négociations, le 4 mai, permettra, j’espère, de préciser ces sujets. N’oublions pas que sans signature, il n’y a plus de convention. Et il n’y aura pas non plus de règlement arbitral, celui-ci ne comportant pas de volet sur le RAC 0. La Direction de la Sécurité sociale (DSS) nous imposera des tarifs annuels sur toute notre activité. Ce n’est pas un coup de bluff. Plus de convention, ça veut dire aussi plus de commissions paritaires, plus de négociations, plus d’avantages sociaux… Il faut être capable de l’assumer. Si on perd la main, il n’y aura pas de retour en arrière. Il ne faut pas penser que le gouvernement viendra nous chercher. Après consultations des adhérents, notre conseil d’administration se prononcera le 31 mai. »

Cliquez ci-dessous pour visualiser les pdf des négociations.

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